Il y a, une fois les caméras allumées, les défenseurs auto-proclamés des épargnants. Et puis, il y a Gilles Dupin. Peu présent dans les médias, cet ancien commissaire contrôleur à la direction des assurances du Ministère de l’Économie et des Finances, désormais président et directeur général de Monceau Assurances, répond aux questions de Marchés Gagnants sans langue de bois. De quoi faire réfléchir les souscripteurs d’assurance vie.
L’annonce des performances des fonds en euros des contrats d’assurance vie de Monceau Assurances a fait grand bruit. Avec un taux de 2,80 % pour Dynavie et de 2,70 % pour son prédécesseur, Carnet Multi Epargne, vous affichez non seulement des rendements très compétitifs par rapport à la concurrence (2,40 % sur le contrat star Afer), mais surtout des performances en hausse. N’avez-vous pas entendu les appels à la modération lancés par l’ACPR, l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le gendarme de l’assurance-vie en France ?
Si ! Nous avons entendu les injonctions de l’ACPR, mais c’est avec nos clients que nous avons signé des contrats. Notamment au sujet de la participation aux bénéfices. Pour avoir une relation saine avec les épargnants qui nous font confiance, nous avons un principe : nous appliquons nos engagements contractuels à la lettre.
L’ACPR vous retorquerait que la mise en réserve, via la provision pour participation aux excédents, est une faculté offerte par le code des assurances. Elle n’a donc pas à être mentionnée dans le contrat…
Ainsi donc, une pratique serait autorisée parce ce qu’elle n’est pas interdite. Nous préférons être plus transparents : nous n’avons pas mentionné dans les contrats signés avec nos clients une stratégie de mise en réserve des bénéfices. Conséquence : nous n’en faisons pas. C’est clair et simple à comprendre.
On nous vante pourtant toute l’utilité de ses réserves en cas de crise. Vous n’y croyez pas ?
Il peut y avoir débat sur le sujet. Mais dans ce cas, que chacun développe des arguments solides ! La provision pour participation aux excédents, comme on la nomme dans notre jargon, est un outil inéquitable et inopérant. Inéquitable, car on promet une redistribution des réserves dans les huit ans. Mais où sera le client dans huit ans ? Décédé ? Sorti du contrat qu’il aura eu besoin de racheter ? Dans un cas comme dans l’autre, il aura perdu le bénéfice d’une partie de sa rémunération. En outre, soyons clairs, il existe un moyen de ne pas redistribuer cette réserve. En pratique, chacune année, vous distribuez les réserves passées et vous mettez en réserve les gains de l’année. Ainsi, vous reportez à l’infini la restitution de la réserve aux assurés !
Les réserves sont également inopérantes ! Elles sont présentées comme un recours en cas de remontée des taux d’intérêt. Si vous croyez que vous allez faire face à vos pertes obligataires, en cas de hausse de 200 ou 300 points des taux longs, avec 1% ou 2% des provisions mathématiques en réserves, c’est que vos calculs actuariels sont erronés…
Comment investissez-vous l’argent des souscripteurs de vos contrats ?
Première règle : nos actifs sont cantonnés pour isoler les populations et les garanties correspondantes. Sur les anciens contrats, souscrits de 1969 à 1990, la clientèle est âgée. La probabilité de devoir verser rapidement des prestations est plus importante. La gestion s’autorise donc une prise de risque minimale. Les portefeuilles gérés pour le Carmet Multi Epargne, commercialisé de 1991 à 1997, et Dynavie, son successeur, sont composés de 50 % d’obligations, de plus de 20 % d’actions, 10 % d’obligations convertibles, 8 % d’immobilier sans compter les prêts hypothécaires et les liquidités.
Avec un tel actif, vous garantissez le capital tous les ans ?
Oui, c’est un fonds en euros ! Et nous n’avançons pas, comme certains, que la garantie ne prend pas en compte les frais de gestion du contrat. Bref, si vous investissez 100, vous aurez 100 quoi qu’il arrive. Sauf s’il nous arrivait quelque chose !
Pourquoi n’avoir que 50 % d’obligations alors que vos confrères sont plus proches des 80 à 85 % ?
Pour une majorité d’observateurs, une obligation comporte moins de risque… Ceci est en réalité inexact. Au risque de taux, qui induit une forte volatilité des cours, perceptible au quotidien, s’ajoutent les risques liés à l’émetteur, le risque souverain notamment, c’est-à-dire la capacité d’un pays à ne pas rembourser. Nous avions d’importantes positions sur l’Italie. En 2017, nous les avons cédées. Comment peut-on accepter, quand on gère l’épargne de nos mandants avec une garantie en capital, acquérir, voire conserver, des obligations qui ne rapportent plus rien alors qu’elles sont émises par un pays qui s’endette encore et encore. Ne court-ton pas le risque de ne jamais être remboursé ? Prenons un autre exemple : sur le marché obligataire, les banques sont très présentes. A la différence de la majorité de nos confrères, nous avons peu d’expositions au secteur bancaire, car banques et Etats constituent en pratique des risques très corrélés.
Avec 20 % d’actions, vous êtes aussi atypique. N’est-ce pas risqué ?
20 % d’actions dans un patrimoine, ce n’est pas si important… D’autant qu’aujourd’hui, sur le marché, on peut perdre très aussi facilement 30 % sur des obligations, beaucoup plus vite que sur les actions. Cela dit, il faut voir apprécier le risque dans sa globalité. A côté des 20 % d’actions, nous conservons une part de liquidités. Et puis, nous ne voyons pas l’investissement en actions dans une logique de trading. La preuve : nous investissons dans des fonds dédiés, valorisés seulement une fois par semaine…
En trois mots, expliquez-nous le pourquoi de la performance 2017.
Notre taux est le reflet de la performance de l’année, car tous les ans nous remettons les compteurs à zéro à la poussière près. Ce qui rend notre taux beaucoup plus volatil que la moyenne de la place. Les administrateurs de notre mutuelle réagissent souvent à cette situation, mais les sociétaires, eux, ont bien compris où se situe leur intérêt. En 2017, les actions et l’immobilier ont rapporté, tandis que les importantes positions liquides ont pesé sur la performance…
On nous avait dit que la directive européenne Solvabilité 2 empêchait les professionnels d’investir en actions. Ce n’est pas vrai, au vu de votre portefeuille.
Si. La directive Solvabilité 2 est néfaste et notamment pour cette raison ! En contraignant la gestion financière des assureurs, cette réglementation pénalise surtout les assureurs disposant de peu de fonds propres, et, par ricochet, leurs clients. Aujourd’hui – mais cela n’a pas toujours été le cas – nos fonds propres sont suffisants pour investir cette part de 20 % en actions. Et dans une mutuelle, sociétaires et clients représentent une même communauté d’intérêt. Ce n’est évidemment pas le cas entre actionnaires et clients d’une compagnie d’assurance.
Il y a quelques temps, les professionnels ont obtenu avec l’appui des pouvoirs publics de mettre en place un troisième pilier à l’assurance vie, l’euro croissance. Objectif affiché : offrir de meilleures performances que le fonds en euros traditionnels. Pourquoi ne pas en avoir proposé ?
Vous imaginez la promesse : on vous garantit un jour dans votre vie. Pas deux ! Où est l’intérêt du client ? L’euro croissance permet à des assureurs en manque de fonds propres de se défausser sur les assurés des risques de marché.
Et que dire de la possibilité de transfert des plus-values latentes du fonds en euros vers l’euro croissance, publiée au Journal officiel en plein mois de juillet, pour améliorer l’attractivité des euro croissance et en faciliter le lancement ? Elle est sidérante. On fait payer le coût du lancement du produit aux épargnants, alors que cette charge relève normalement des actionnaires. Avec cet exemple, on peut constater pour la regretter l’évolution de la démarche des autorités de contrôle. Quand j’étais commissaire contrôleur, dans les années 80, notre grille de lecture, c’était la protection des assurés, comme l’exprime l’article L 310-1 du code des assurances. A cette époque, les contrats et les tarifs recevaient un visa avant d’être mis sur le marché ! Depuis, les Autorités de contrôle ont également reçu pour mission de veiller à la stabilité du système financier, ce qui explique leur souci de faire constituer des réserves par les assureurs. A l’évidence, ces deux missions sont antagonistes… Et les épargnants ne pèsent pas lourd face au système.
Dans le projet de loi PACTE de Bruno Le Maire, il est question de revenir sur la garantie en capital des fonds en euros. Quel est votre position sur le sujet ?
C’est une bonne affaire pour les assureurs en mal de fonds propres. Mais quid du client ? Tout ça pour lui vendre des actions, contre son gré. Chez Monceau Assurances, les clients détiennent 20 % d’actions via le fonds en euros et bénéficient de bons résultats. J’aimerai bien qu’ils aillent un peu plus loin. Franchement, avec 10 % d’unités de compte actions et autant en convertibles, à côté de leur fonds en euros, ils ne prendraient pas trop de risque. Et ils auraient la possibilité d’améliorer encore un peu leur performance.
Mais la seule façon de séduire des épargnants qui nourrissent une aversion au risque, c’est de les éduquer, de les rassurer. Pas de leur forcer la main à coup de différenciation de la rémunération des commerciaux ou de les sanctionner avec des participations sur les fonds en euro conditionnées par l’importance de la part investies en unités de compte. Ces pratiques de place sont irrespectueuses des épargnants.
Propos recueillis par Jean-François Filliatre
Les conseils de Marchés Gagnants :
En assurance-vie, notre ligne directrice est simple :
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Privilégiez les contrats affichant une certaine ancienneté.
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Proscrivez les compagnies privilégiant les bonus. Sui vous acceptez que l’on déshabille Paul pour pour habiller Jacques, pensez qu’un beau jour, votre assureur finira par vous appeler Paul (Note de Paul : et pas Jacques !).
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Souscrivez votre assurance vie hors de votre banque ordinaire pour limiter les risques
Un grand bravo pour ces analyses très transparentes – trop rare dans l’assurance vie – et à mon avis personnel très pertinentes
Finira par vous appeler… Paul
Vous avez raison : le Jacques du conseil final doit s’appeler Paul ! Merci de votre attention, la correction a été effectuée.
Il n’y a rien à ajouter aux propos de Gilles DUPIN dont l’analyse est d’une absolue réalité et plus précisément en ce qui concerne la distribution de l’intégalité des plus-values.
Je confirme que le souscripteur d’un contrat vie ne pèse pas lourd par rapport à l’assureur et, bien pire,l’esprit originel est souvent orienté et dévoyé;il n’y a qu’a suivre le conflit des dirigeants d’une association bien connue avec une partie de ses assurés pour en être convaincu.
En conclusion, il n’a jamais été autant indispensable d’être sélectif dans le choix de son gestionnaire et savoir que les pouvoirs publics et les assureurs sont, la plupart du temps dans une quasi-connivence,surtout depuis les votes de la précedente mandature dont le but est infiniment spoliateur.