Pour la première fois de son histoire, l’auto proclamé placement préféré des Français franchit la barre des 1 900 milliards d’encours. Mais ce n’est pas parce que les Français accourent…
La publication des chiffres de l’assurance-vie donne lieu à un sympathique exercice mensuel de communication où France Assureurs a pour habitude d’interpréter sous diverses tonalités « la vie en rose ». Qu’est-ce-que Franck Le Vallois, directeur général de l’association professionnelle des assureurs, souhaitait-il que l’on retienne ? « Un net rebond des cotisations, supérieur au nouveau record de mars 2006, mais aussi le fait que l’encours total dépasse la barre des 1 900 milliards pour la première fois. »
Un record d’encours battu pour l’assurance-vie
Chapeau pour la performance en saut en hauteur ! La barre des 1 900 milliards a en effet bel et bien été franchie. 1 911 milliards exactement. 1 383 milliards pour le fonds en euros, 528 milliards pour les unités de comptes où le risque n’est pas porté par l’assureur, mais par le client. Actuellement, le cocktail de l’assurance vie est donc dosé à 72 % « sans risque » / 28 % risqué. Au passage par assurance-vie, entendez toute la grande famille : les bons vieux contrats avec leur avantageuse fiscalité successorale, mais également les contrats de capitalisation, utilisés dans des démembrements sur des transmissions de patrimoine ou pour la gestion de la trésorerie des entreprises, sans oublier les produits d’épargne retraite assurantiel !
Des chiffres portés par les unités de compte
Très jolie performance, mais quelles sont donc les clefs du succès ? A fin mai, l’encours était de 1 883 milliards. Bref, d’un mois sur l’autre, les chiffres ont progressé de 28 milliards… Merci les unités de compte (UC) et l’évolution des marchés financiers. Certes, France Assureurs nous vend « un net rebond des cotisations au mois de juin ». Elles s’établissent à 15,6 milliards en hausse de 30 % par rapport à juin 2022. Là encore, merci les unités de compte ! Comparé à la même période l’an dernier, la collecte des UC affiche une progression de 44 % : à 7,1 milliards sur le mois, elle vient de plus en plus taquiner la collecte sur le fonds en euros (8,5 milliards). Une fois retirés les prestations versées, la collecte nette ressort à 1,7 milliard. C’est bien, comparé aux 0,5 milliards en juin dernier.
Juin, c’est mai en vidéo inversée
Interrogeons-nous : le champion du saut en hauteur reprendrait-il du poil de la bête ? Nous aurions pu le croire si nous n’avions pas été -aussi ! – à la présentation mensuelle du mois de mai. Il y a un mois, les chiffres avait été mauvais avec une décollecte de 1,6 milliard. Et France Assureurs de mettre en avance les effets du calendrier, avec deux jours ouvrés de moins. Cette fois, le même argument a fonctionné en sens inverse, le lundi de pentecôte ayant migré de juin à mai, entre 2022 et 2023.
« Rebond technique des cotisations » devrions-nous titrer. Bref, le champion est moins en forme que la dernière barre franchie ne le laisse penser. Sur la première moitié de l’année, sa collecte nette s’établit à 4,1 milliards, contre 11,9 milliards sur la première partie de l’année 2022. Soit un recul de 65 %. Si France Assureurs conteste souvent perdre des parts de marché, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, a rappelé lors de la présentation du rapport de l’épargne réglementée que le poids de l’assurance-vie avait baissé en France dans le patrimoine des ménages depuis 2010. A titre de comparaison, à fin juin, la collecte du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) s’établissait à 34,5 milliards. Soit 6 fois l’assurance-vie !
L’assurance-vie impactée par les arbitrages patrimoniaux
Dernier chiffre majeur des annonces du jour : sur les six premiers mois de l’année, les prestations s’élèvent à 77 milliards, en hausse de 19 %. Quelques éléments peuvent justifier cette évolution.
D’abord, des besoins de piocher dans l’épargne pour financer la consommation dans un environnement de forte inflation. Possible, mais à nuancer, en fonction des typologies de clientèle. Ensuite, des ponctions du marché immobilier lié au besoin d’apport personnel et au coût du crédit avec la hausse des taux. Probable. Enfin, dans cet environnement, il ne faut pas occulter les arbitrages patrimoniaux des ménages dans un environnement totalement chamboulé par la violente remontée des taux d’intérêt depuis dix-mois.
Bref, l’assurance garde les attributs d’une reine. Elle est toutefois de plus en plus challengée. Garder une communication « vie en rose » va devenir de plus en plus compliqué… Et à priori, s’il s’agit de franchir la barre des 2 000 milliards, ce sera « merci les marchés ».
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