Gérard Bekerman, le président de l’association française d’épargne et de retraite (AFER), s’insurge contre les propositions actuelles de grands assureurs. Et pendant ce temps-là, son partenaire, Aviva restreint les conditions d’accès au fonds en euros du contrat Afer
La sortie médiatique du Jean-Laurent Granier, le Président Directeur Général de Generali France, avait eu le mérite d’ouvrir le débat ! Sur la baisse des rendements des fonds en euros, sur l’obligation d’investir en unités de compte pour accéder désormais au fonds en euros… Sans surprise, les défenseurs du support préféré des Français ne sont pas nombreux de côté de la profession. Frédéric Thomas, directeur général de Crédit Agricole Assurances, déclare ainsi dans l’Agefi : «Jean-Laurent Granier a dit ce que tout le monde allait faire.» Dans les Echos, Sylvain Coriat, membre du comité exécutif d’Allianz France, juge ainsi que «le fonds euros est un vestige d’un passé révolu où les taux d’intérêts étaient positifs et qu’il faut lui substituer un produit qui soit durablement attractif dans le contexte financier actuel ». Et de rajouter « ce ne peut pas être seulement des fonds euros avec davantage d’unités de compte (UC) ou d’eurocroissance. » Autrement dit, l’assurance vie de demain reste à réinventer.
Coté scène, l’Afer défend le fonds en euros
Plus que tout autre, une voix était attendue : celle de Gérard Bekerman, le président de l’Afer ! « Pour nous, le contexte des taux négatifs est un contexte passager » sur lequel « on ne fonde pas une stratégie en assurance vie », a-t-il réagi auprès de l’AFP. « L’Afer ne partage en aucune mesure les positions de M. Granier, elle renouvelle sa confiance dans les fonds euros. » Et le président de l’Afer de rajouter, comme le rappelle Mieux Vivre Votre Argent, « durant des années, les assureurs ont constitué des réserves substantielles quand ils le pouvaient, à quoi ça sert quand on ne consomme pas ce qu’on a mis de côté ? »
Comme à l’accoutumée, l’Afer annonce défendre le bon sens et la liberté des épargnants ! L’Afer n’avait-elle pas été parmi les pionniers à révolutionner l’assurance vie, renonçant à l’opacité des produits d’antan, pour inventer l’assurance vie moderne ? Le contrat Afer ne s’est-il pas longtemps appelé « Contrats à retraits et à versements libres », pour affirmer son côté couteau suisse et démontrer la liberté offerte à ses adhérents de mettre ou de retirer de l’argent quand bon leur semblait ? En son temps, la défense de l’amendement Fourgous, par Bénédicte Coste, la présidente d’alors, n’était pas la preuve d’une volonté de permettre aux détenteurs d’un vieux monosupport de pouvoir bénéficier d’autres options d’investissement dans le cadre d’un contrat plus moderne ?
Coté cuisine, son assureur en restreint l’accès…
L’Afer rime avec liberté et la prise de position de Gérard Bekerman à l’AFP le laisse croire. Problème : si demain, vous désirez souscrire avec un gros chèque au contrat de l’association pour bénéficier de ce produit de luxe qu’est le fonds en euros, vous allez malheureusement devoir déchanter. Sans la moindre communication publique, ni la moindre réserve de l’association, Aviva Vie et Aviva Epargne Retraite viennent en effet d’imposer 30 % en unités de compte pour les nouvelles souscriptions dès lors que le versement initial est supérieur à 100 000 euros. Pas d’accord ? La souscription vous sera refusée…
En pratique, l’information a été communiquée aux distributeurs du contrat, via un flash info du 13 septembre. Marchés Gagnants a pu le consulter. Et elle est applicable depuis le 16 du même mois. Donc avant la sortie médiatique de Gérard Bekerman… Parmi les arguments avancés, une situation de taux négatifs qui pourrait durer selon les analystes d’Aviva. Ah bon ? On croyait le contexte passager. Autre décision prise : « aucune baisse ne sera acceptée sur les frais d’entrée de 0,5 % sur le fonds garantis pour les adhésions et les versements complémentaires. » Le Crédit Agricole dit la même chose, mais les frais prévus sont à 2 % dans la filiale de la Banque Verte. Pour mémoire, la dernière assemblée générale de l’AFER, le 25 juin à Mulhouse, avait validé une baisse des frais sur versement de 2 % à 0,5 % sur le fonds en euros et la suppression totale des frais d’entrée sur l’eurocroissance et les unités de comptes. Par ailleurs, les frais de gestion des unités de comptes augmentaient de 35 points de base.
Au delà de la comm, il y a le droit…
En imposant un minimum d’unités de compte pour les gros versements, l’Afer semble acter la fin de la liberté au sein de l’assurance vie. Tout du moins dans la présentation du produit faite aux clients par l’assureur et les distributeurs. Car sur le plan du droit, le débat reste ouvert. Après avoir fait un versement de 100 000 € avec 30 % d’unités de compte, un adhérent peut-il – ou non – revenir à 100 % sur le fonds en euros ? Marchés Gagnants pense que oui ! Pour l’heure, nous attendons la réponse d’Aviva.
Réflexions pertinentes!
Mais une telle imposition de la part de l’Afer ne relève -t-elle pas d’une décision en AG de Congrès?
PL Billemont
Tout dépend de la nature des restrictions opérées. En l’espèce, au vu des éléments que nous avons pu consulter, la contrainte sur les unités de compte s’applique uniquement aux nouvelles ouvertures de compte. En l’occurrence, il n’y a donc pas modification du contrat; simplement, l’assureur refuse de contracter si le futur adhérent ne respecte pas les règles décrétées par Aviva. Juridiquement, la position paraît valable et dans ce cas, seule l’association est en porte à faux. Elle ne défend pas ses adhérents ou futurs adhérents face à l’assureur sur un critère pourtant historiquement essentiel à ses yeux : la liberté.
Sur les contrats anciens, il n’y a pas en apparence de modification. Sinon, une convocation de l’AG serait impérative sauf à créer un nouveau contrat Afer pour les seuls nouveaux venus… Au passage, l’ACPR nous a confirmé, lors de notre dernière rencontre, que les contrats avaient vocation a être respectés. Le gouverneur de la Banque de France l’a confirmé lors du 11er colloque international de l’assurance : » s’agissant des abondements des contrats existants, ils doivent naturellement respecter les prescriptions contractuelles. « . Notre sentiment aujourd’hui est le suivant : les professionnels organisent un bruit médiatique majeur pour faire croire aux épargnants que les choses doivent se passer d’une certaine manière. La grande majorité des épargnants, peu informés, sont pièges. D’autres comme vous, s’interrogent avec raison.